UN SENEGAL EMERGEANT EN 2030 ? Par Moubarack LO


​Amadou BA, candidat de la Coalition Benno Bokk Yakkar à l’élection présidentielle de 2024, a récemment déclaré qu’il avait pour vision de faire du Sénégal un pays émergeant dès 2030, réduisant ainsi le délai de 2035 fixé par le Président Macky Sall dans le Plan Sénégal Emergent (PSE).


L’objet du présent papier est d’évaluer rigoureusement la capacité du Sénégal de réussir cet ambitieux pari dans un horizon aussi rapproché (7 ans), en se fondant sur la théorie économique de l’émergence conçue par Moubarack LO et qui s’articule autour de deux indices-clé :

(i) un Indice Synthétique d’Emergence Economique (ISEME, ou Indice Moubarack LO de l’émergence économique) qui mesure les résultats des pays en termes de richesse inclusive, de croissance économique durable et saine, de transformation structurelle et d’insertion dans l’économie mondiale ;

(ii) un Indice Composite des Leviers de l’Emergence (ICLE) qui englobe des facteurs de compétitivité et d'attractivité regroupés en 6 dimensions : "Capital humain", "Efficacité de l'Etat", "Environnement des affaires", "Finance", "Infrastructure", "Innovation".

Ces 6 dimensions sont décomposées en 15 sous-dimensions qui à leur tour comprennent 48 indicateurs- clé. D’après les calculs effectués, sous ma direction, par le BPE (Bureau de Prospective Economique), dont je suis le Directeur général, le Sénégal se classe, en 2021, dans le rang des pays potentiellement émergeants, avec un indice ISEME de 0,461. Il se positionne au 7ème rang sur 43 pays en Afrique.

Pour devenir émergeant, il lui faut réaliser un score ISEME de 0,600. Globalement, le Sénégal a connu une progression encourageante de son score pour l’Indice Synthétique d’Emergence Economique (ISEME), dépassant la moyenne africaine, passant de 0,420 à 0,461 entre 2000 et 2021.

La progression entre 2010 et 2021 est plus marquée que la dynamique entre 2000 et 2010, traduisant l’effet d’entraînement de la mise en œuvre du PSE sur l’ensemble des fondamentaux de l’économie. En effet, entre 2010 et 2021, le score du Sénégal fait un bond de 0,07 points, tandis qu’entre 2000 et 2010, il avait régressé de 0,02 points. Cela fait du Sénégal, entre 2010 et 2021, le 6ème pays en Afrique à plus forte progression pour le score ISEME dans l’échantillon de 43 pays africains.

Il se classe dans la catégorie des pays dit « potentiellement émergeants » et doit s’efforcer désormais à entrer dans les classes plus performantes : les pays pré-émergés (avec un ISEME de 0,500 sur un total possible de 1, dont l’Ile Maurice, le Gabon et la Tunisie), les pays émergeants (avec un ISEME de 0,600, dont trois pays africains : l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Maroc) et les pays émergés (avec un ISEME de 0,750).

S’agissant de l’Indice Composite des Leviers de l’Emergence (ICLE), le Sénégal occupe, en 2021, le 13ième rang Afrique sur 43 pays, avec un indice ICLE de 0,457. Globalement, le Sénégal a connu une progression encourageante de son score ICLE entre 2015 et 2021, dépassant la moyenne africaine, passant de 0,421 à 0,457.

Pour prédire la performance du Sénégal en matière d’émergence économique, à l’horizon 2030, il est possible d’utiliser un modèle à effets retardés, conçu au BPE, basé sur une approche qui prend en compte le délai avec lequel les leviers de l'émergence économique impactent l'Indice Synthétique d’Emergence Economique (ISEME), ainsi que l’évolution du PIB.

Le démarrage de la production pétrolière (en 2024) et de la production gazière (en 2025) permet de prévoir une forte augmentation du rythme de croissance économique du Sénégal qui pourrait atteindre 10% par an, de 2025 à 2030, sous l’effet des ventes à l’exportation des produits d’hydrocarbures et du soutien plus intense, par l’Etat, de la diversification économique, grâce aux revenus engrangés.

Cette dynamique impacterait ainsi un grand nombre d’indicateurs de l’ISEME, dans toutes les dimensions.

S’agissant de l’Indice Composite des Leviers de l’Emergence (ICLE), une simulation a été effectuée à partir d’hypothèses de progression des indicateurs qui le composent, en posant trois scénarios : faible, moyen et élevé. Chacun de ces scénarios repose sur des hypothèses spécifiques concernant la progression des leviers d’émergence économique.

Pour réussir l’objectif de faire du Sénégal un pays émergeant dès 2035 (scénario haut), le pays devra, dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau Plan d’Actions Prioritaires (PAP) du PSE, mettre en œuvre de profondes réformes structurelles pour améliorer sensiblement ses leviers d’émergence dans la période 2024-2025. Les priorités de réformes concernent :

(i) le capital humain, avec le relèvement drastique du taux d’alphabétisation des adultes et une meilleure prise en charge des accouchements afin de réduire la mortalité maternelle ;

(ii) l’amélioration de l’environnement des affaires, en raccourcissant les délais relatifs aux procédures administratives (en particulier, pour l’obtention du permis de construire), en favorisant la densification des entreprises et en luttant activement contre la corruption ;

(iii) le développement rapide des infrastructures ferroviaires et de la connexion à l’internet haut débit ;

(iv) l’augmentation du nombre de chercheurs en R&D et le renforcement de la capacité nationale d’innovation, par le biais d’incitations financières ;

(v) l’approfondissement du système financier, à travers un réseau bancaire plus dense, l’incitation à l’épargne, la facilitation de l’accès au crédit pour les PME-PMI et les petites entreprises, ainsi que la réduction des taux d’intérêt débiteurs.

L’engagement de ces chantiers de réformes structurelles, dès l’installation du nouveau Président de la République, en avril prochain, tout en consolidant les acquis des programmes sectoriels du PSE, permettra au Sénégal d’améliorer ses leviers d’émergence économique et de porter son indice ICLE à 0,596 en 2025, contre 0,457 en 2021, soit un gain de 0,139 points en quatre ans.

Cette évolution des leviers d’émergence, combinée avec le maintien d’un taux de croissance économique de 10% sur 7 ans (2025-2030), permettra au Sénégal d’intégrer, en 2025, le club des pays dits « pré-émergeants » (avec un ISEME de 0,503), et de rejoindre, en 2030, le rang des pays émergeants (avec un ISEME de 0,605).

Il reste une certitude. La réalisation des projections ainsi dessinées ne pourra se faire que dans un contexte de paix durable, de stabilité des orientations politiques économiques et sociales, et de pilotage efficace des réformes, pour accompagner le démarrage de la production pétrolière et gazière. Pour toutes ses raisons, les Sénégalais devront élire, à la tête de l’Etat, une personnalité dotée d’une expérience significative de leadership et ayant les capacités pour impulser, avec méthode, et dès son installation, la transformation de l’économie sénégalaise et la porter vers les sommets dès 2030. C’est la raison pour laquelle, j’ai décidé de porter mon choix sur Amadou BA pour être le cinquième Président de la République du Sénégal.

Par Moubarack LO
Docteur en Management public et Ingénieur Statisticien Economiste
Mercredi 20 Mars 2024
Dakaractu